La nouvelle téléréalité de Netflix, présentée par le couple Teddy Riner-Luthna Plocus, nous permet d’observer avec fascination tout ce qui ne va pas chez les hétéros.

Depuis plusieurs jours, les réseaux sociaux ne parlent plus que de ça : Love is Blind France, la nouvelle téléréalité tirée d’un concept américain déjà très populaire outre-Atlantique, est arrivée sur Netflix le 10 septembre et elle fait un carton.

Le concept s’organise en trois temps. Un premier, où 15 hommes et 15 femmes célibataires, désireux·ses de se marier, se rencontrent à l’aveugle dans des “capsules” séparées, où ils pourront échanger et apprendre à se connaître pendant plusieurs jours. Un deuxième, où les couples se choisissent et se rencontrent enfin après une prétendue connexion. L’homme passe la bague au doigt de la femme, et ils s’envolent à l’étranger pour une lune de miel. Et un dernier, où ils apprennent à vivre ensemble à Paris, dans la “vie réelle”, avant de se dire “oui” officiellement. Le but : prouver que l’amour est bel et bien aveugle, et n’est pas qu’affaire de plastique. Les 30 candidat·es ont à peu de choses près, toutes et tous des physiques qui correspondent au normes de beauté actuelles. On remarque d’ailleurs qu’à des années-lumière de la télévision conventionnelle, Netflix a fait un gros travail de diversité et d’inclusion dans son choix de casting.

Mais l’entreprise de Love is Blind France est insidieuse. D’abord parce que l’émission se distingue nettement de celles qui ont fait le bonheur de W9 ou NRJ12 des années durant : fini les petits jeunes qui s’embarquent dans ces aventures pour vivre de placements de produits, ici le casting ne compte que des personnes entre 30 et 40 ans, socialement construits (de ce qu’on nous dit). Ce changement se reflète dans les discussions qu’entretiennent les candidat·es. On y parle notamment de black love, de sexualité, de religions, de traumatismes, ou encore de maternité, le tout avec un sérieux et une facilité inhabituelle à ces formats. De quoi endormir le public un temps, jusqu’à ce que l’émission ne révèle l’envers du décor : derrière la jolie façade de maturité et les touchantes confessions des participant·es, c’est tous les dysfonctionnements des relations hommes-femmes qui jaillissent à l’écran.

Des hamsters dans une roue

Et les réseaux sociaux ne s’y sont pas trompés. Sur X et TikTok, les internautes analysent les comportements des candidat·es, interprètent leurs gestes, mettent des mots sur leurs non-dits. C’est probablement ce qui rend le programme aussi addictif, on observe ces hommes et ces femmes comme des rats de laboratoire pour nous montrer tout ce qui ne va pas avec l’hétérosexualité dominante.

Et cela marche d’autant plus qu’on ne fait pas face à des gamin·es à peine majeur·es ou à des agriculteur·ices en peine d’amour, mais à des wannabe CSP+, ignorant·es de leur superficialité et convaincu·es d’être des girl boss en puissance ou des leaders affirmés. Enfin une téléréalité à la hauteur des écoles de commerce, du café Oz, des doudounes sans manches, et des motivational quotes rincées d’Instagram. Des profils de macronistes dans l’âme qui imposent irrémédiablement une distance et font sauter à pieds joints dans le hatewatch.

Misère émotionnelle

Pas étonnant donc que plusieurs participant·es parlent d’amour comme d’une opération entrepreneuriale (“il a un bon profil”, “cette relation a du potentiel”…), et s’apprivoisent comme on tenterait de s’accorder avec son futur patron sur les clauses de notre contrat de salarié. Tous·tes sont d’ailleurs défini·es par leurs métiers : analyste en patrimoine immobilier, conseillère de vente en luxe, entrepreneur dans le digital, cheffe de projet événementiel… Autant d’intitulés flous et de métiers imaginaires censés crédibiliser leurs situations, on se croirait sur LinkedIn. Pire encore, un internaute a même découvert que la production avait menti sur plusieurs intitulés, qualifiant Kim de “juriste” alors qu’elle est clerc de notaire ou encore Thomas d’“architecte d’intérieur” alors qu’il est en réalité menuisier.

De quoi donner le ton d’une émission où le paraître domine : toutes et tous sont obnubilé·es par l’idée d’incarner un “couple goal” (soit un couple idéal et inspirant aux yeux des gens), tandis que leurs références amoureuses vont des Beckham à Bill Gates. On pourrait même dire qu’inconsciemment, l’émission rejoue à demi-mot ce qu’on pourrait appeler le pacte hétérosexuel : un contrat passé pour la pérennité d’un avenir économique, où hommes et femmes se surveillent, s’épient avec vigilance, tentent de prendre l’ascendant sur l’autre ou se laissent écraser, moyennant un peu d’affection.

Une vision dystopique du couple, qui donne lieu à des points de tension absurdes. En témoigne cette séquence de l’épisode 5, où Cynthia demande à Jonathan s’il pourrait être ami avec ses ex-copines. Le visage fermé, Cynthia rembarre toutes les explications de Jonathan et donne au dîner des allures de conseil de l’ONU : tout est question de gravité (malgré ses tentatives à lui d’instiller un peu d’humeur), de confrontation, de domination. Ces moments gênants au possible jalonnent le visionnage des neuf épisodes et amènent à une conclusion : l’amour, ça fait froid dans le dos.

Miroir grossissant d’une société violente

Ce vernis de luxe est tout aussi inefficace quand il s’agit de gommer la façon dont l’émission se lave les mains avec les stéréotypes de genre. Cela passe par des détails (dans leurs salons respectifs, les filles ont des produits beauté à disposition, quand les hommes possèdent une table de billard), mais aussi par des narratifs autrement plus violents, comme une mise en concurrence particulière des femmes – les hommes, eux, sont tous bons potes –, qui mènera jusqu’à du slut-shaming : Sarah, pour “gagner” Charles, ira jusqu’à discréditer sa “concurrente” Julie, la traitant notamment de “tchoin” pour avoir parlé librement de sa sexualité. En choisissant de travailler cette rivalité sur plusieurs épisodes et de la garder au montage, Netflix assume d’exploiter les potentialités d’un trope éminemment misogyne.

Pour les hommes, on louera leur “ambition”, leur “virilité”, mais aussi leur sensibilité. Jusqu’à une certaine mesure. Celui qui est montré comme le plus sensible, Thomas (dont on se demande bien ce qu’il fait dans cette émission), se voit d’ailleurs reprocher son émotivité, ainsi que son milieu social. Sa partenaire Kim répète en effet sans cesse qu’être avec lui est pour elle un effort en soi, compte tenu de leurs différences de modes de vie : il met ses coudes sur la table, se fait des tartines au beurre et n’a pas tous les codes quand elle l’emmène dans des lieux “plus chics, plus branchés” (des différences “trop importantes à surmonter” pour elle, qui [attention spoiler] lui dira finalement “non” devant l’autel). On entendra aussi que l’homme doit s’occuper financièrement de la femme (par Tatiana, qui répète pourtant à longueur de journée être une fière entrepreneuse). Le seul candidat avec un tout petit peu d’embonpoint, Charles, sera qualifié de “lutin ni beau ni moche” par les autres filles, qui feront de son physique un joyeux sujet de discussion.

Bref, Love is Blind France ne fait finalement que recracher tous les relents réacs qui pullulent dans la téléréalité aujourd’hui en y ajoutant simplement un joli filtre pastel, des tenues plus chics et un vocabulaire soutenu.

Love is Blind présenté par Teddy Riner et Luthna Plocus – Sur Netflix

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